Les années récentes avaient habitué les gérants à considérer les banques comme de quasi ‘services collectifs’, avec une rentabilité assurée malgré les crises et un lissage des cycles grâce à la diversification des métiers. La valorisation ne nécessitait plus de décote par rapport au marché, des PER en ligne étaient progressivement la norme. La crise des subprimes a mis fin à tout cela. Désormais, les banques sont un secteur comme un autre : complexe, cyclique, risqué.
Il va falloir que les gérants s’habituent, la sophistication des sociétés de plus en plus développées et la mondialisation des échanges, des capitaux et des comportements, changent l’analyse des secteurs. C’est d’autant plus vrai pour le secteur bancaire, car il est au cœur stratégique des économies.
La crise actuelle est une crise de confiance. Elle est due à l’incompréhension des produits financiers complexes en termes de risques (titrisation, hedge funds), à l’opacité traditionnelle des comptes des banques, et à l’oubli des cycles. La crise actuelle apparaît donc comme conjoncturelle. Une fois la phase d’adaptation assurée, l’analyse percevra mieux le secteur et la gestion pourra y revenir sans faire un pari dans le brouillard. Mais c’est avant ce décrassage qu’il y a des affaires à faire…
Les grandes tendances du secteur, pour les années à venir, nous semblent être :
- Une nouvelle analyse des risques,
- Des fusions et acquisitions accrues,
- Une valorisation plus cyclique.
Les risques bancaires étaient jusqu’ici perçus au travers des accords de Bâle I (1988). Le ratio Cooke avait pour objectif de stabiliser les marchés de crédit en obligeant à évaluer les risques et à mettre en face les ressources suffisantes. Les nouveaux accords de Bâle II devraient :
- mettre en place le ratio McDonough assurant une solvabilité accrue des banques face aux risques pris,
- accroître le pouvoir de surveillance des autorités,
- et exiger des banques une évaluation complète et normée de leur gestion des risques.
Tout cela va se traduire par le calcul des fonds propres nécessaires par métier, donc par une meilleure efficacité économique du capital. C’est la banque de détail qui devrait en profiter le plus car ces métiers exigent moins de fonds propres : ils sont moins risqués que les crédits aux grandes entreprises ou aux pays émergents.
Cette nouvelle orientation efficace du capital va conduire à privilégier le modèle « européen » de la banque universelle. La diversification des métiers assure par elle-même la diversification du risque et la banque de détail assure la rentabilité suffisante pour d’autres paris – plus rémunérateurs, mais plus risqués. Ce modèle de banque universel rencontre, en Europe continentale, le mouvement d’intégration de l’euro. Les grandes banques de chaque pays de la zone ont donc intérêt à se consolider en interne, puis à s’internationaliser dans l’univers de la monnaie unique. Cela a commencé avec les rachats entre banques italiennes (Intesa SP- IMI, Capitalia, CariFirenze) et les offres sur ABN, BNL par BNP, etc. Le secteur bancaire reste morcelé en Allemagne et en Italie (où les mutualistes sont nombreux) et c’est probablement dans ces deux pays que les fusions & acquisitions seront les plus nombreuses. Effet euro, effet taille, effet diversification seront les moteurs des rachats dans les années à venir.
Mais la rentabilité record et la stabilité des marges des années récentes ne peuvent être projetées dans l’avenir. L’environnement des années 2005-2007 (jusqu’à l’été) était une conjonction de facteurs favorables : taux bas relativement stables, restructurations des années 1990 ayant assuré une solide structure financière, rentabilité bien assise sur les clients traditionnels, rémunération rare des nouveaux produits, banques centrales vigilantes et interventionnistes en dernier ressort (LTCM, sauvetages des grandes banques comme Crédit Lyonnais, etc.). Mais le retour sur fonds propres de 20%, observé sur plusieurs années, n’est pas à l’abri des cycles : le retournement de l’immobilier et l’effet de levier des crédits hypothécaires à risques (subprimes) en témoignent. Cet aspect cyclique a pour conséquence que le secteur bancaire devra retrouver une décote par rapport au marché, ce qui était le cas auparavant. Complexité, mondialisation et relative opacité des comptes perdureront : donc le risque, et l’impact cyclique. Rappelons que la banque est une industrie de fin du « cycle des affaires » à 5 ou 7 ans (Kitchin ou Juglar). Elle est liée comme lui aux mouvements de la consommation (crédits aux particuliers, épargne) mais aussi aux investissements donc à la dette (crédit aux entreprises, crédits immobiliers, crédits aux collectivités).
Que faut-il faire sur le secteur ?
A court terme, une certaine méfiance reste de mise : l’impact des risques liés à la diffusion des mauvais crédits par la titrisation mettra du temps à être bien cerné par les analystes – et peut-être par les banques elles-mêmes (juin ? septembre ? décembre 2008 ?).
Il vaut mieux rester sur les banques diversifiées, et plutôt axées sur l’Europe continentale. A ce titre, les banques françaises (BNP-Paribas) et espagnoles (Banco Santander) sont bien placées. Quelques italiennes et allemande de taille moyenne pourront profiter de l’évolution du secteur à 5 ans. Mais mieux vaut attendre un creux de marché, sur des nouvelles du secteur ou des publications macroéconomiques, pour acheter. Comme « late cyclicals » (valeurs de fin de cycle), banque et assurances sont un secteur à sous-pondérer dans les portefeuilles pour le moment.
En revanche, pour qui voudra faire le pari de l’avenir, il devra opérer son analyse par ses propres moyens. Tout cycle est par définition mouvant et la pente sera positive après la chute mais, en plus ce cet aspect conjoncturel, les évolutions stratégiques notées ci-dessus devraient induire un effet de levier net sur certaines valeurs. Reste à soigneusement les choisir.
Les critères ?
- Ambition à devenir « banque euro »,
- capacité à gérer les métiers de « banque universelle »,
- taille insuffisante.
Les noms ? Peut-être Société Générale, Banco Bilbao, UniCredito.
Alain Sueur
J'aime bien BNP-Paribas mais Santander ne m'inspire pas confiance, pourquoi pas Unicredito ?
Rédigé par : Salluste | 18 janvier 2008 à 00h19
Je cite UniCredito en pari pour l'avenir. Sur Santander, ses ratios récents (PER, Cours/Book Value, ROE)sont en ligne avec ceux des autres. Restent les provisions pour pertes de crédits à risques éventuels (je n'ai pas d'information). Stratégiquement, Santander est très présente dans les zones dynamiques : Espagne qui profite des taux bas pour son économie de la BCE et de la protection de l'euro + Amérique latine, en plein développement.
Rédigé par : Alain Sueur | 18 janvier 2008 à 10h56