Réforme monétaire et redéploiement quaternaire.
La statistique du PIB français vient de tomber. Elle confirme le retournement poussif de la croissance économique française. Et sans surprise, elle pointe la voie de sortie de crise qu'il nous reste à emprunter pour conforter notre pouvoir d'achat et confirmer nos attachements responsable et durable à l'Europe et à l'économie mondiale (ou pas). Nous ne pourrons pas compter dans un premier temps sur notre demande domestique. Nous le ferons avec un niveau de consommation quasi stable, des dépenses publiques sous contraintes et un niveau d'investissement en baisse... Reste la participation au commerce mondial et nos spécialités. Avec pour la première fois dans notre histoire, des créditeurs solvables, une classe moyenne émergente et de réels enjeux mondiaux à relever à 20 ou plus si affinités. Pour autant qu’ils ne s’emballent pas ou que nous ne nous forcions pas la main une nouvelle fois…
En un sens, nous connaissons ce refrain. En plus de trente ans, depuis 1973, nous avons du faire face à différents chocs pétroliers, démographiques ou technologiques. Nous avons relevé en son temps l'impératif mondial, qui s'imposa à nous : la nécessité de vendre à l'étranger nos produits et notre savoir faire afin d'équilibrer nos échanges extérieurs. Désormais nous connaissons nos points forts, le tourisme, les moyens de transports, le nucléaire, le luxe, la distribution et les services publics. Reste à maintenir nos atouts dans le monde de demain, concurrentiel, centré sur l’Asie, le Moyen Orient et l’Afrique…
De leurs cotés, les pays émergents ont connu les limites de leurs endettements en dollars à taux variable, lors de la crise de 1980-1982. Et dix années de purgatoire à négocier au sein du Club de Paris et du Club de Londres. Plan d’austérité, création d’un surplus primaire de leurs déficits publics, mise à disposition de garantie à trente ans sur leurs dettes, capitalisation des intérêts, et autres arriérés favorables au final plus aux traders et aux banques d’origine qu’à eux. Gageons qu’ils s’en souviennent et qu’ils utilisent à meilleurs leurs capacités d’emprunt pour le bien de leur décollage économique et planétaire.
Qui y a t il de nouveau ? Selon moi, un réel potentiel de rebond ou de décollage pour l’économie française et de nombreuses opportunités pour l’économie mondiale. A charge pour nous de savoir les mettre en valeur et les préserver dans la durée...
Reste la base avant d'atteindre le sommet. Et celle ci se peaufine sous nos yeux depuis plus d'un an maintenant :
Les interventions monétaires, financières et budgétaires ont fini par avoir gain de cause pour nous rassurer sur les capacités de stabilisation en dernier ressort du dernier ressort. On en oublierait le triplement des déficits publics et le doublement de la base monétaire !!!
Pour ce qui concerne la relance, voir le redressement de l’économie française, l’opportunité qui s’offre à nous est basée sur le potentiel de distribution de nouveaux crédits des banques aux pays ayant assainis leurs finances publiques et ayant de réels besoins de financement de leur décollage.
Pour ce qui concerne notre capacité d’épargne, les français ont de nouveau été les champions du Monde, avec un taux en hausse de 3 points à 17,4% de leur revenu disponible. Et une priorité occasionnelle pour la formation d’une épargne de précaution financière. Avec à la clef une palme décernée pour être les plus pessimistes du monde occidental (pour ceux qui le peuvent un voyage aux États-Unis est fort vivifiant et instructif). Et dire que toute cette peur alimente la hausse des marchés financiers...
Il ne nous reste plus qu’à espérer que les français se rassurent dans les semestres à venir. Sans pour autant verser dans l’euphorie ni la mania….pour la panique nous en sortons juste. L’observation des récents événements inclinent à une bienveillante prudence pour la reprise modérée et le rétablissement d’un sentier de croissance de plein emploi d’ici les cinq prochaines années.
Il ne nous faut simplement pas se tromper sur le chemin à emprunter et là la tache me semble rude. Car le chemin le plus intéressant à long terme n’est pas forcément le plus simple et évident à emprunter en premier lieu. Et il convient comme ce fut le cas depuis deux ans de ne pas aborder 2010 et 2011 en ordre dispersé. En voici trois aspects.
· Le recentrage de la création financière : les banques centrales et les gouvernements du G20 ont réussi à éviter la faillite bancaire mondiale, sans forcément nationaliser. Implicitement, les banques ont failli et les États ont fait le choix de ne pas nationaliser tout en soutenant les banques au-delà de la régulation usuelle et commune. La faute en incombe au plus grand nombre. Celles qui ont adoptées une stratégie de développement basée sur le levier financier pour leurs comptes propres. Celles qui ont pris le risque d’entrainer les plus vertueux et les moins rentables dans une situation de défaut de liquidité et de solvabilité si le système financier n’avait pas été rattrapé en dernier ressort du dernier ressort.
Que faire ? il est difficile d’interdire ou de limiter le levier et le renchérissement de ces stratégies par des ratios plus contraignants ne résout rien. Faut-il faire confiance à l’auto régulation d’un système qui nous a montré ce qu’il pouvait faire si on le laissait à lui même? Reste le renforcement des systèmes d’assurance et de leurs montants de protection. Et une prière peut être, allez savoir !! Car il va falloir trouver un moyen de relancer la distribution de crédits en l’allouant de bonne façon. Parfois le chemin est dur….
Il y aura semble t il un formidable travail à entreprendre pour enfin financer les créations d’entreprises et savoir les accompagner pas à pas vers des niveaux d’excellence croissants : plus de personnel, mieux rémunéré et actifs au sein de nos régions françaises. Au détriment sans doute de plus d’investissements et du retrait de certaines activités comme la gestion de fonds ou le crédit à la consommation.
Quel établissement prendra le risque de gagner moins pour gagner plus dans dix ans…J’espère qu’un établissement sera au rendez vous en France !!! N’oublions pas que les investissements d’aujourd’hui sont les emplois de demain. Privilégions donc les crédits liés directement à une activité économique !! Mais qui osera tordre le cou à l’objectif de retour sur fonds propres à deux chiffres, qui a fait tant de mal à nos banques puis à nos entreprises… Qui osera la confiance dans l’esprit d’entreprises de proximité en dehors des projets planifiés ou non de nos jacobins.
· La réforme monétaire s’impose avant tout afin de fixer les nouvelles règles du jeu entre les parties prenantes mondiales. Il est nécessaire de réformer notre système monétaire international. Il faut trouver un moyen d’assurer le cadre de la transition en cours entre nos deux économies monde : des pays développés vers les pays d’Asie. En garantissant dans la durée le confort de notre modèle de sociétés sans entraver les leurs. En permettant à la classe moyenne émergente dans le monde en décollage de soutenir les grandes transitions qui s’imposent de notre économie.
En attendant le nouveau système international, il est indispensable de nous rappeler les pistes empruntées par nos pairs. Rueff nous interpellait sur les conséquences des déséquilibres financiers internationaux permanents sans imposer une discipline rigoureuse et automatique de correction des excès. Et force est de constater qu’il nous faudra une discipline commune et « équilibrante ». Keynes s’interrogeait sur les conséquences sociales de toute réforme monétaire, son impact discriminant vis-à-vis des managers, des salariés, des rentiers et des emprunteurs. Il expliquait de bonne façon l'importance des parité de change adaptés ( comme pour aujourd'hui pour la sous évaluation du yuan, et dépréciation trop forte du dollar). Il prenait position sur la trajectoire des prix. Des deux maux on sait que Keynes préférait l’inflation, son impact réduisant la richesse des rentiers au profit des salariés. La déflation ayant un impact sur la production des biens et services. Elle est aujourd’hui d'actualité. Une de ces deux dernières négociations internationales consista à imposer une monnaie internationale et un système de compensation financier mondial. En vain. Sommes nous prêts désormais ?
o Jacques Rueff n’est pas uniquement le père du programme de modernisation de l’économie française en 1959, avec quelques personnalités de premier rang comme Louis Armand. On lui doit aussi une série de livres et d’articles sur la discipline financière des différents États concernant fonctionnement du système monétaire international institué par Bretton Woods. Dans « le péché monétaire de l’occident », il stigmatise le nouveau système mis en place au début des années 60.
Il nous invite à refuser le déficit sans pleurs des Amériques (déséquilibre permanent subventionné par les autres banques centrales occidentales sous fond de guerre froide et créateur d’une inflation importée à deux chiffres). Et il nous conseille de rétablir une discipline de retour à l’équilibre des balances de paiements commune à tous basée sur le retour des transactions en or. Moyen simple et indéfectible d’imposer un retour automatique de tout déséquilibre de balance de paiement : les pays à déficit réduisant leurs absorptions et les pays à excédent l’accroissant.
o John Maynard Keynes a bataillé en 1944 pour faire valoir ses vues sur la réforme monétaire. Murement réfléchi, observateur des erreurs des années 20, en Grande Bretagne comme en France et ailleurs, il en vint à la conclusion que seule, une monnaie internationale pouvait assurer les compensations entre les pays excédentaires et déficitaires et surtout, permettre un cadre adéquat pour garantir le retour à l’équilibre entre ces deux pays. En soit, il indiquait aux politiques des années 20, qu’ils avaient été incapables et très imprudent de vouloir fixer le cours de leurs monnaies sans tenir compte des forces économiques en vigueur. En soit, il mettait en avant un système multi latéral qui pourrait servir à administrer l’économie mondiale naissante.
Actuellement, nous sommes dans une situation assez proche de l’après guerre, avec plus de capitaux, plus d’hommes et un monde à habiter. Finalement, pour assurer l'émergence du nouveau contrat social planétaire (à supposer qu'on le veuille), il faudra d'abord que toutes les parties prenantes s'assurent de nouvelles règles du jeu, et faire un bout de chemin vers l’autre. L’Asie devra sans doute réévaluer leurs monnaie, afin d’assurer à leurs populations un peu plus de pouvoir d’achat. Les vieux continents devront quant à eux réduire leurs consommations.
Pour le reste, il faudra savoir négocier notre redéploiement quaternaire. L’émergence du secteur de l’information de son traitement, de son stockage à son utilisation systématique ou discrétionnaire. La vie en réseau, la capacité du travail d’équipe et le déploiement des compétences délocalisées et fugitives en fonction de l’originalité des projets et attentes des entreprises.
Il faudrait que nous comprenions mieux ce qui fait le succès de ce type d’organisation du travail et surtout, que nous trouvions à nous adapter. Il sera nécessaire de modifier radicalement les méthodes de formation de notre classe salariale et de nos futurs managers. Et, au sein de l’entreprise, de mieux distinguer au sein d’une équipe une meilleure répartition entre les fonctions techniques et humaines nécessaires aux succès d’une équipe. Nous y reviendrons. Mais rien ne se fera, tant que nous n’aurons pas redéfini le projet de société qui nous anime (en espérant que nous réfléchissions et que nous ne réenclenchions pas le même système de la génération bonus….).
Jean Christophe Cotta, Allocation & Sélection
Jacques Rueff, le péché monétaire de l’occident, Plon 1971.
JM Keynes, la réforme monétaire , Simon Kra, 1926.
Skidelski, the return of the master Allen Lane 2009
Paul Naisbitt, Asia Mega trends. 1992.
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